Chez les Yami (Tao) de l’île de Lanyu (Orchid Island), le tomok constitue l’élément spirituel central de la maison traditionnelle. Ce pilier de bois, taillé en forme triangulaire avec une base large et un sommet étroit, est placé verticalement au centre de la poutre faîtière de la pièce arrière de l’habitation principale. Son rôle fondamental dans la structure et la symbolique de la maison lui vaut également le nom de « pilier des ancêtres ». En langue Yami, il est désigné sous le terme tomok.
Fabriqué principalement en bois de mangoustanier, le tomok est souvent orné à son sommet d’un motif en forme de cornes de chèvre, stylisé en V, représentant à la fois la longévité et la richesse. Bien que beaucoup de ces motifs aient disparu sur les exemplaires anciens, des lignes ondulées sculptées horizontalement subsistent souvent sur la surface du bois.
L’île de Lanyu, battue par les vents et les typhons, a façonné un type d’habitat spécifique : les maisons traditionnelles sont partiellement enterrées, parfois de un à deux mètres sous le niveau du sol, pour mieux résister aux intempéries. Ces habitations s’organisent en trois parties successives, de l’extérieur vers l’intérieur : un porche, une pièce avant et une pièce arrière, disposées en escalier selon une progression ascendante.
Seules les personnes jouissant d’un statut social élevé peuvent construire une maison comportant trois ou quatre portes et y installer un tomok. Chaque étape – de la collecte du bois à la sculpture, en passant par le transport et l’érection du pilier – est réalisée avec une grande rigueur. L’installation doit se faire à une date propice, accompagnée de rituels spécifiques, dont le sacrifice d’un cochon ou d’un mouton, dont le sang est appliqué sur le bois.
Lorsqu’une maison est terminée, le propriétaire organise un rite sacrificiel devant le tomok pour désigner officiellement l’héritier du pilier. La société Yami étant organisée autour de familles nucléaires, chaque maison n’est généralement utilisée que par une seule génération. Après le décès du père, la maison est démontée. Le tomok est alors transmis à l’aîné des fils, tandis que les autres matériaux de construction sont partagés entre tous les fils.
Sur le plan technique, la partie supérieure du tomok présente une excroissance cylindrique fine, servant de tenon pour l’assemblage avec la structure du toit. Deux trous percés près du sommet permettent de le fixer solidement. La silhouette du pilier, s’évasant à la base et s’affinant vers le haut dans une courbe élégante, reflète à la fois une fonction architecturale et une signification culturelle profonde.